Nous les filles de nulle part

A la rentrée avec mes élèves de Seconde je compte étudier le roman d’Emilienne Malfatto, Que sur toi se lamente le Tigre (lu mais j’ai oublié d’en faire un billet ! pourtant il est très bien, très fort, sur l’assassinat d’une fille en Irak tombée enceinte hors mariage) et je souhaite leur donner le choix d’un livre à lire pour lutter contre le sexisme. J’ai toute une série de bouquins sur ma table de chevet qui sont au CDI et que je lis pour les leur présenter à la rentrée !

J’ai commencé par ce roman d’Amy Reed, très réussi, un roman pour ados mais de très bonne qualité et qui se dévore et ces filles de nulle part, je les ai aimées très vite.

Grace débarque au lycée de Prescott, fille d’une femme pasteur un peu boulotte, elle s’assied un peu par hasard à la cantine auprès de celles qui vont devenir ses amies : Rosina, une homosexuelle qui n’ose pas trop s’affirmer, vivant dans une famille mexicaine et corvéable à merci, et Erin, atteinte du syndrome Asperger. Grace s’est installée dans la maison où vivait Lucy qui a précipitamment quitté le lycée suite à une plainte pour viol visant des garçons du lycée, et elle trouve des messages de Lucy sur les murs… A elles trois elles décident de faire quelque chose pour que les choses changent, elles fondent « les Filles de Nulle Part », en envoyant un premier mail aux filles du lycée, de manière anonyme :

« À : destinataires cachés
De : LesFillesDeNullePart
Chères amies,
Vous en avez marre ? Vous avez peur ?
Vous en avez marre d’avoir peur ?
Vous êtes EN COLÈRE ?
On sait ce qu’ils ont fait. Spencer Klimpt, Eric Jordan et Ennis Calhoun. On sait qu’ils ont violé Lucy. On sait qu’ils ont fait du mal à d’autres, probablement beaucoup d’entre nous. On sait qu’ils recommenceront.
Vous êtes prêtes à agir ? À ne plus vous taire ?
Rejoignez-nous. Ensemble nous sommes plus fortes qu’eux.
Nous ne nous tairons plus.
Nous les Filles de Nulle Part. »

Le roman alterne les chapitres sur Grace, Erin, Rosina mais aussi sur « Nous ». Et c’est très réussi car l’autrice évoque toutes les filles du lycée, de manière plus ou moins développée, ce qui crée une impression collective. Elle parvient à dénoncer sans lourdeur et parfois avec humour et beaucoup d’empathie pour ses personnages, les ravages d’un machisme et sexisme décomplexé et souvent soutenu implicitement par les adultes du lycée et montre à quel point la parole peut libérer et la solidarité féminine être une force incroyable.

« Chères amies,
Comme il semble que ce ne soit pas toujours bien compris, disons les choses très clairement.
Profiter de quelqu’un qui a bu, c’est malsain et cruel.
C’EST DU VIOL.
Faire boire une fille pour coucher avec elle, ce n’est pas « la détendre un peu ». Ce n’est pas une technique de séduction.
C’est du VIOL.
Coucher avec quelqu’un qui n’est pas en mesure de consentir ne fait pas d’un mec un veinard, ça fait de lui un VIOLEUR.
Compris ?
Sans qu’on sache pourquoi, tout le monde s’est résigné à ce que ce soit ainsi. À penser que les mecs sont comme ça. Que c’est juste une situation que les filles doivent gérer. Mais nous ne voulons plus l’accepter. Nous ne laisserons plus les hommes décider de ce qu’ils font de notre corps.
Si cela vous est arrivé, ce n’est pas votre faute. Nous sommes là pour vous. Nous sommes là pour nous toutes.
Ensemble, nous sommes bien plus fortes que ces insanités que nous avons supportées beaucoup trop longtemps. Ensemble, nous pouvons changer les choses.
Rejoignez-nous !
La prochaine réunion aura lieu le jeudi 29 septembre, à 16 heures, dans l’entrepôt de l’ancienne cimenterie d’Elm Road.
Nous, les Filles de Nulle Part »

A préciser : ce n’est pas un roman contre les hommes, au contraire ! Mais une dénonciation ferme contre tous ceux qui pensent que les femmes sont des objets à leur disposition. Je valide complètement ce roman dans ma liste !!

Participation au challenge Petit Bac 2022 pour la catégorie FAMILLE

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