Un loup pour l’homme

Grâce à Instagram, que je fréquente depuis quelques jours maintenant, j’ai vu une photo d’Enna lisant ce roman et hop ! on a décidé d’en faire une lecture commune avec le 4 décembre comme date butoir !

On est en 1960, Antoine a 20 ans, il fait partie des appelés mais choisit de ne pas porter une arme. Il fait donc une formation d’infirmier et quitte la France pour l’Algérie en laissant sa jeune femme, Lila, enceinte. Le bateau pour la première fois, le mal de mer et l’installation un peu chaotique dans l’hôpital militaire de Sidi-bel-Abbès. Durant la première partie, le lecteur épouse le regard de ce jeune homme un peu paumé, qui sent la menace diffuse autour de lui, ne fait pas de politique et ne comprend pas ce qui se joue (« La vie d’Antoine est faite de petits morceaux. Un peu ici, et un peu là. Les jours sont décousu, il fait ce qu’on lui demande, il s’exécute.« ). Il soigne les blessés, en particulier Oscar, amputé d’une jambe et mutique. Un lien se noue entre ces deux-là. Et puis il y a les copains, Jo ou Martin (« L’un répare, l’autre nourrit. L’un soigne, l’autre réchauffe. L’un épluche les patates, l’autre écoute les battements de cœur et les confidences des garçons esquintés.« ), avec qui il fume une cigarette le soir, sensible malgré lui à la beauté époustouflante des paysages. A Lila, il ne raconte que la beauté justement, et pas la boule au ventre quand il doit aller chercher des blessés ou en ramener sur le terrain une fois qu’ils sont guéris, pas non plus l’horreur quand il entend les garçons qu’il soigne lui raconter ce qu’ils ont vécu…

La seconde partie s’intitule « Lila » car cette jeune femme déterminée, voire butée, n’a pas l’intention d’attendre seule que cette drôle de guerre se termine. Elle rejoint Antoine en Algérie et ils s’installent dans un petit appartement : « Il n’ rien choisi de ce qu’il est en train de vivre. Il ne sait pas ce qu’il fait là, seul dans la nuit algérienne. C’est allé trop vite. Est-ce bien sa vie à lui ? » Cahin-caha, un quotidien s’installe, Lila découvre la ville, le marché, refuse de s’inquiéter et Oscar est le sur le point de révéler son secret à Antoine…

On voit bien dans les citations que j’ai choisies le style de Brigitte Giraud (dont j’avais lu et aimé d’autres romans, J’apprends, La chambre des parents) : des phrases courtes, au présent, sobres, factuelles, et l’émotion n’en ressort que mieux. L’auteure s’est inspirée de l’histoire de ses parents (ici une vidéo de 4mn où elle parle de ce livre) elle a mis 20 ans à le faire (l’enfant de Lila et d’Antoine, c’est elle en quelque sorte…) et on voit vraiment bien comment la plupart des jeunes hommes ont pu vivre cette guerre, dans l’incompréhension, la confusion, l’ambivalence.

Quant au « loup », il n’est pas forcément celui qu’on croit… On le saura dans la troisième partie centrée davantage sur « Oscar »…

Un beau roman dont le thème (moi qui ai un père pied-noir, grandi à Alger qu’il a quitté, encore tout jeune homme, au début des années 60, moi qui ai commencé mon école primaire en Algérie où mes parents avaient choisi d’habiter pour 2 ans) me parle et qui a, il me semble, bien réussi à évoquer la complexité de cette guerre, à hauteur d’homme.

C’est un des livres qui était en lice pour le Goncourt des lycéens, avec Summer (déjà lu), L’art de perdre (sur le même thème et sur ma PAL) et Bakhita (prochain roman prévu) : je les aurai tous lus du coup !

Voyons voyons ce qu’en a pensé Enna puisque c’est une lecture commune qu’on partage aujourd’hui… elle est moins enthousiaste et s’est presque ennuyée ; c’est toujours fascinant de voir à quel point les réactions sont différentes !

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12 commentaires pour Un loup pour l’homme

  1. Enna dit :

    C’est vrai que c’est toujours étonnant de voir que le même roman n’est pas lu de la même manière! Moi je me suis un peu ennuyée à cause du style et j’ai trouvé que le sujet n’étai pas approfondi mais par contre je comprends qu’on ait pu apprécié car le fond du sujet est intéressant! Ravi de découvrir ton avis en lecture commune en tout cas! 🙂

  2. aifelle dit :

    En effet, ton avis est plus positif que celui d’Enna. Tu avais des raisons personnelles de le lire, mais je ne suis pas très tentée. Je suis plus attirée par celui d’Alice Zeniter.

  3. Jérôme dit :

    Le sujet me tente énormément mais je vais être raisonnable et attendre la sortie en poche.

  4. Mind The Gap dit :

    Un livre très actuel, je veux dire que ce sujet et ce genre de récits sont à la mode depuis 2 ou 3 ans. Et en général, ils me plaisent ces sujets-là…

  5. Syl. dit :

    Intéressant ton avis et je vais lire celui d’Enna, maintenant, pour savoir si je le note.
    Et sinon, tu es taguée avec le tag de Noël…

  6. Valérie dit :

    Je suis de l’avis d’Enna mais ton regard est forcément différent et donc intéressant.

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