A l’ombre du jasmin / Avec tes mains

Je découvre cet auteur qui va probablement rencontrer mes futurs élèves à la rentrée et… c’est une belle découverte ! Les deux romans que je viens de lire font partie d’une trilogie autobiographique.

A l'ombre du jasminDans A l’ombre du jasmin, Ahmed Kalouaz revient sur les circonstances dans lesquelles il est né : lorsque sa mère était enceinte de lui, elle a perdu sa fille Mimouna, qui avait 4 ans, de façon mystérieuse. Elle jouait dehors et lorsqu’elle est rentrée, elle s’est plaint du pied et de la hanche ; le lendemain matin elle était morte. A 60 ans, dans une sorte de lettre d’amour, l’auteur rend hommage à cette sœur, dont la mort a endeuillé sa propre naissance. C’est l’occasion de raconter le parcours de sa mère qui, à 24 ans, avait déjà perdu deux enfants et a quitté l’Algérie avec deux autres petits, pour fuir sa douleur. Il raconte aussi sa petite enfance en France, la neige, son premier Noël, et toute l’importance que revêtent pour lui la langue et les mots.

L’écriture est belle et poétique ; au cours des chapitres il revient sur cette mort et ses conséquences de façon parfois un peu trop répétitive mais la douceur, la mélancolie et la vitalité emportent le lecteur.

Avec tes mainsAvec tes mains est construit de la même manière, sous forme de lettre, cette fois-ci à son père Abd-el-Kader, né en 1917 dont il raconte le destin en quelques chapitres qui portent des dates : 1932, 1942, etc. pour finir à sa mort, en 2002. A travers ce père, c’est tout un pan de l’histoire des relations entre la France et l’Algérie qu’il retrace, la participation des Algériens à la seconde guerre, l’immigration, le mépris et la peur qu’ils rencontrent en France dans les années 60. Mais c’est aussi un chant d’amour à ce père, avec lequel la relation a été difficile, faite souvent d’incompréhension et d’affection maladroite.

« Tu détournes souvent la tête comme si nous revenions d’un pays impossible à partager. Il est vrai qu’à nos âges, tes mains avaient plus souvent combattu qu’aimé ou caressé. A dix-sept ans, tes doigts étaient déjà couverts d’écorchures et tu ne comprends pas que nous allions tranquilles, sous nos airs désinvoltes. »

« Même si ce sont aujourd’hui les miens, tous ces gestes t’appartiennent. Ce que tu n’as pas su dire en paroles s’est imprimé dans mes yeux, et je reproduis ces gestes à mon tour. Ce sont comme des mots qui reviennent, ce langage des mains, celui que tu as pratiqué jusqu’à l’épuisement. »

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8 commentaires pour A l’ombre du jasmin / Avec tes mains

  1. Aifelle dit :

    Le thème du premier me paraît particulièrement douloureux. Je note le nom de l’auteur.

  2. sous les galets dit :

    Le dernier extrait est très touchant je trouve. J’aime les histoires d’expatriation, je commencerai sans doute par le second sur le père, en ce moment j’ai un peu de mal avec les deuil d’enfants (enfin pas qu’en ce moment puisque je suis une chochotte) mais puisque tu dis que le décès est rappelé de manière répétitive, je préfère me concentrer sur la figure du père, si j’accroche je poursuivrai…
    Tu es chanceuse de présenter un auteur à tes élèves et d’aimer ce qu’il écrit.

    • sandrion dit :

      En fait c’est l’inverse qui se passe : au salon du livre de Gaillac (près de chez moi), ils nous envoient plusieurs noms d’auteurs, on lit et on choisit celui qui nous plaît le plus pour l’inviter ! Le jasmin n’est pas vraiment triste car le deuil a eu lieu depuis longtemps, il explore surtout en quoi cette enfant disparue a eu un impact sur sa vie.

  3. jerome dit :

    Les deux me tentent, il y a tout pour me plaire dans ces romans !

  4. lorouge dit :

    Le premier me tente beaucoup je le note, c’est le genre de thème qui me touche et je suis toujours curieuse de voir comment les autres ont vécu cette situation. Je suis aussi venu au monde 4 ans après la naissance d’un frère mort-né… Je garde ton billet précieusement dans vos billets tentateurs et je vais voir si je peux le commander. Merci Sandrion, bonne soirée

  5. worldcinecat dit :

    Je n’avais jamais entendu de cet auteur et moi aussi ça me tente bien.

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