Vernon Subutex

J’ai longuement hésité avant de me lancer dans cette trilogie, et au début j’ai eu du mal… L’impression que tout ce qu’il peut y avoir de beau dans l’humain était passé au papier de verre, qu’était mis en évidence le trouble, l’inavouable, les défauts, l’hypocrisie, la bêtise.

Vernon Subutex (quel nom ! Comme Keisha, j’ai pensé à Vian pour le prénom, au médicament de substitution à l’héroïne pour le nom), au début du premier tome, perd son RSA et se retrouve à la rue. Il se démène pour se faire héberger par tous ceux qu’il a côtoyés dans sa vie d’avant, quand il était encore un disquaire génial dans son magasin au nom révélateur, Revolver, mais rapidement se retrouve à partager la vie des clochards… Et c’est l’occasion pour Virginie Despentes de brosser un portrait au vitriol de tous ces personnages qui gravitent autour de Vernon : la Hyène, dont le boulot consiste à détruire la réputation des gens via internet et les réseaux sociaux, Sylvie qui adore dire du mal de tout le monde, Xavier le beauf de droite, Patrice qui pleure encore celle qui a finalement réussi à le quitter car il lui manifestait son amour par des coups et des blessures, Pamela Kant l’ex-star du X, et tous les autres, malmenés par la vie, la drogue et tout le reste. A chaque portrait, elle adapte son registre de langue et son vocabulaire pour que le lecteur entre bien dans la manière de penser de chacun. Et quand Subutex se révèle introuvable, tous ses « amis » le recherchent : en effet, il a recueilli sur cassettes les confidences d’une star milliardaire du rock, Alex Bleach, qu’il a laissées sous le lit d’une amie avant de quitter son domicile… Chapeau : c’est bien écrit, intelligent, vif, cynique et… désespérant !

« Quoi de plus excitant que le mec d’une fille avec qui on s’entend bien ? Surtout quand ils ont l’air heureux ensemble. Une petite pipe dans un ascenseur guérit de toute jalousie suscitée par le bonheur des autres. »

« Vernon traîne sur son réseau Facebook comme il errerait dans un cimetière, les derniers occupants des lieux sont des zombies furieux, qui vocifèrent comme s’ils étaient des cobayes enfermés dans leurs cellules, écorchés vifs et les plaies passées au gros sel. »

Le tome 2 est plus léger, drôle et moins noir : Vernon, une fois retrouvé par la petite bande, refuse d’être hébergé, il est bien à la rue, complètement barré, détaché des passions et des possessions. Du coup, ce sont les autres qui viennent à lui, au parc ou dans un bar le soir et il agit sur les autres à la manière d’un révélateur positif. Les personnages découverts dans le tome 1 se révèlent plus nuancés, moins nettement antipathiques, plus complexes.

Keisha, enthousiaste ! Et chez elle j’ai découvert l’avis de Le bouquineur, qui en parle très bien et compare de manière tout à fait juste le regard de Despentes à celui de Balzac dans la Comédie humaine (même si, bon : Balzac reste Balzac et il a écrit presque 100 bouquins !)

Et j’ai fini par le tome 3 qui clôt en beauté cette histoire si contemporaine. Une belle découverte !

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10 commentaires pour Vernon Subutex

  1. aifelle dit :

    Pour l’instant, je n’ai lu que le tome 1, qui est en effet désespérant ! mais les mondes qu’elle décrit existent et j’ai aimé son style. Je ne vais pas tarder à commencer le deuxième.

  2. keisha41 dit :

    Hé bien, tu n’as pas lambiné, la trilogie! Merci de ta confiance.

  3. kathel dit :

    Je n’ai toujours pas osé m’y frotter… j’ai du mal quand tout est noir.

  4. saxaoul dit :

    Pour l’instant je n’ai lu que le premier mais j’ai bien l’intention de découvrir la suite. J’ai lu une interview de l’auteure touchant de vérité et ça m’a donné envie de la découvrir un peu plus.

  5. valmleslivres dit :

    J’ai eu du mal aussi au début mais du coup, je n’ai pas poursuivi la lecture.

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